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Interview de Stéphane Layani : Rapport Annuel 2013

28 mai 2014

Quel mot permettrait, selon vous, de caractériser le mieux l’année 2013 pour le Marché de Rungis ?

Sans hésiter, c’est le mot gastronomie. Dès le mois de janvier 2013, Paris-Rungis a été désigné Cité de la Gastronomie. Nous, nous la construisons tous les jours. La plus récente illustration en est la création du nouveau pavillon F5C, le « pavillon de la Gastronomie », occupé par six entreprises expertes. La gastronomie à Rungis est avant tout une gastronomie de produits, plus que de sophistication. Nous n’en défendons pas une vision élitiste : elle consiste à apporter du plaisir au plus grand nombre. Nous sommes bien sûr flattés que les très grands chefs viennent sur le Marché mais nous sommes tout aussi heureux d’approvisionner tous nos concitoyens, privilégiant ainsi une cuisine fine et de découverte grâce à la largeur et à la profondeur de nos gammes. Un avantage auquel peu peuvent prétendre.

La logistique occupe également une place grandissante dans vos préoccupations…

C’est sans doute le second mot qui vient à l’esprit. Il est tout aussi important mais il recouvre de nombreuses réalités et revêt des définitions différentes. Ma vision des choses à long terme est la suivante. Notre métier consiste finalement à aller chercher des produits et à les apporter au plus près du consommateur. Cependant, des contraintes diverses vont rendre les villes de plus en plus impénétrables ; il faudra trouver des solutions intelligentes pour que les consommateurs ne soient pas privés des meilleurs produits que nous sommes les seuls capables de trouver et de distribuer avec régularité. Le Marché est parfaitement adapté à ce métier. Encore nous faut-il être en mesure de les acheminer sur la table du consommateur. C’est toute la question de la logistique du dernier kilomètre face à laquelle le consommateur défend des aspirations contradictoires et un peu schizophréniques : il veut accéder rapidement à des produits frais mais à condition, en même temps, de réduire les rejets de CO2 dans l’atmosphère et sans nuisance sonore… Notre réflexion sur la logistique nécessitera donc un travail intense avec toutes les parties prenantes pour trouver des solutions nouvelles.

Cela s’inscrit-il dans la stratégie Rungis Green Business lancée en 2013 ?

On ne peut plus vendre les produits de la même manière que dans les années 1970. Le consommateur veut savoir d’où ils viennent, obtenir une assurance 6 Marché International de Rungis L’ESSENTIEL • Notre réflexion sur la logistique nécessitera un travail intense pour trouver des solutions nouvelles. • Nous allons investir de manière contra-cyclique dans les sous-secteurs porc et fleurs coupées. sur la qualité de leur production et, par ailleurs, il souhaite qu’on lui raconte une histoire, faite de valeurs et de sens. Le Marché depuis sa création constitue cet écosystème unique ; il lui suffit de poursuivre cette tradition économe en moyens et de développer ses fondamentaux. Par notre concentration sur un espace unique, nous évitons de disséminer les camions dans toute la région francilienne. Nous recyclons nos déchets, voire ceux de nos clients. Maintenant, il faut aller au-delà. C’est tout le projet d’entreprise que j’ai décidé pour le plus grand marché de produits frais du monde. Nos cadres sont déjà mobilisés avec l’ensemble de notre personnel pour trouver des innovations de développement durable. Il ne s’agit pas de « green washing » mais tout simplement de la responsabilité sociétale de notre entreprise.

Où en est la feuille de route que vous aviez définie en prenant les rênes de la SEMMARIS ?

Cette feuille de route contient quatre axes. Le premier, l’avenir de la concession, a fait pour la première fois l’objet d’un important état des lieux fondé sur une analyse juridique et économique assez complète. Le deuxième, le soutien au marché physique, a été poursuivi avec les travaux de rénovation du secteur des fruits et légumes, la finalisation du Pavillon de la Gastronomie, le lancement des appels d’offres pour la construction d’un pavillon bio qui devrait être mis en service courant 2015. Le troisième, le développement des zones entrepôts, a également été consolidé avec l’accueil de Del Monte, un opérateur majeur de la banane qui fera de Rungis la plateforme la plus importante en France, et peut-être en Europe, dans ce domaine ; soit une banane sur trois consommées en France ! Quant au quatrième, à savoir les relais de croissance, une cinquantaine d’innovations vont être proposées à nos opérateurs ou à des acteurs extérieurs. Bref, nous avançons sur de nombreux projets, y compris dans nos partenariats internationaux.

Sur le plan économique, que retenez-vous de l’année 2013 ?

Le Marché est en bonne santé. Son chiffre d’affaires global a progressé de près de 4 % en 2012, et la SEMMARIS suit assez logiquement cette tendance. Il y a certes eu certaines faiblesses conjoncturelles d’arrivages en raison, notamment, des aléas climatiques en fruits et légumes ou de la tempête de fin d’année à la marée. Mais globalement, l’activité a été très satisfaisante. Toutefois, je n’oublie pas que certaines entreprises peuvent se trouver dans une situation préoccupante – nos 1 200 entreprises n’en sont pas toutes au même stade de leur cycle de vie –, de même que certaines catégories de produits. C’est pourquoi, nous allons ainsi investir de manière contra-cyclique dans les sous-secteurs porc et fleurs coupées pour les relancer.

En conclusion, comment voyez-vous la position de Rungis aujourd’hui ?

Prenant ses racines à l’aube du XIIe siècle, le Marché de Rungis est entré dans la modernité du commerce d’aujourd’hui. Comme premier hub agroalimentaire de France, il s’est imposé dans la visibilité médiatique et politique de notre pays à tel point qu’il est devenu incontournable à beaucoup d’égards et sera, demain, un acteur majeur du Grand Paris.